TourismeEconomieinternationalTransport

Rafanomezantsoa Andriamamonjy: “Le principal challenge de Tsaradia est de survivre”

Le directeur général de Tsaradia fait le point sur la situation de cette filiale d'Air Madagascar en cette période de crise. Des grands défis restent à relever mais le plus grand et le plus urgent est d’abord de survivre.

Malagasy News : Tsaradia est entrée dans une forte zone de turbulences, comment ça se présente à bord?

Rafanomezantsoa Andriamamonjy : Nous faisons en effet face, depuis près d’un an, à la plus grave crise sanitaire que nous n’avons jamais connu à Madagascar. La pandémie nous a obligé à suspendre nos activités et depuis la reprise, le 1er septembre 2020, à réduire les activités pour s’adapter à la demande. Aujourd’hui, nous faisons près de 50 vols par semaine au lieu de 220 avant la crise. Nos activités ont été quasiment à l’arrêt de mars à fin août 2020, en dehors de quelques vols de rapatriement, de transport de matériels médicaux, de médicaments et des produits de première nécessité. Nous avons perdu pendant cette période plus de 6 millions de dollars, enregistré plus de 6000 annulations de billets et plus de 12000 autres à honorer après la crise.

  • Comment cette situation s’est soldée financièrement ?

Cette situation s’est soldée par des dettes qui s’élèvent à 7,9 millions de dollars, en dehors de ce que nous devons à Air Madagascar. Ce montant inclut les 6 millions de dollars que nous devons à Air Austral pour la location des appareils et les réserves de maintenance. Il y a parallèlement 1,3 millions dollars pour les arriérés fiscaux. Le reste concerne les dettes des fournisseurs diverses. Les dettes pour la flotte sous-louée à Air Madagascar s’élèvent pour leur part à 3,5 millions de dollars. Il faut également penser aux coupons non utilisés, ceux en attente de remboursement ou de transport qui s’élèvent à 680 000 dollars. Sans oublier le besoin imminent d’équilibrage des capitaux propres, suite aux pertes de 3 millions de dollars de la première année et aux 8 millions de dollars de pertes causées par la pandémie. Ce qui fait qu’aujourd’hui Tsaradia a besoin de supports financiers s’élevant à 22 millions de dollars, dont 7,5 millions de dollars sont indispensables à court terme.

  • Comment avez-vous fait alors pour tenir?

Lorsque le confinement a été décrété, la première décision prise par les dirigeants de la compagnie a été de préserver de la même manière l’entreprise et ses salariés, en repoussant le plus longtemps possible le chômage technique. Tsaradia se targue de n’avoir pas eu recours à cette disposition. Le télétravail a été privilégié. Nous avons cependant suspendu les contrats avec nos prestataires. Côté finance, la première mesure que nous avons prise était de négocier avec nos créanciers, loueurs d’avions, assurance et fournisseurs afin de réduire ou d’étaler le paiement de nos dettes, même avec des conditions relativement contraignantes. Nous avons également réduit les coûts de structure et d’exploitation, incluant la réduction des allocations carburants, l’optimisation des coûts de transport et location de véhicules, ou encore la suspension des recrutements. Bien sûr, il y a encore d’autres dispositions prises.

  • Pensez-vous pouvoir vous en sortir ?

Notre challenge principal est de survivre dans les prochains mois, durant lesquels Tsaradia n’a encore que peu de revenus mais qu’elle doit régler les dettes à moyen terme et établir un plan de relance pérenne et performant. L’objectif est d’être compétitif et de poursuivre notre plan de développement. Nous avons déjà pris des mesures comme le maintien du système de congé jusqu’au mois de mars 2021 et nous avons repris le travail à plein temps. Nous avons négocié et demandé la réduction des coûts pour le Personnel navigant technique (PNT) et les coûts des appareils. Sur le plan commercial, six points spécifiques sont nécessaires pour la relance. On doit repenser et réinventer le tourisme national qui est un secteur sinistré. Notre objectif principal est de stimuler l’envie des Malagasy à prendre l’avion. Nous avons adopté une stratégie en “focussant” sur les 30% du trafic domestique car il ne faut pas oublier que près de 70% de notre activité dépend du long-courrier et des régionaux. Nous prévoyons donc d’augmenter graduellement le trafic domestique à 50% dans un premier temps, en attendant l’ouverture des frontières. Cela par le biais des tarifs promotionnels allant jusqu’à 50%.

  • Mais vos tarifs restent inaccessibles pour beaucoup et n’encouragent pas à voyager avec vos appareils!

Plusieurs points sont à prendre en compte, dont les coûts d’exploitation comme la location d’avion, la maintenance, les carburants. Il ne faut pas non-plus négliger les taxes aéroportuaires élevées qui ont un effet conséquent sur le prix du billet, entre autres les taxes Ravinala pouvant aller jusqu’à 30%. Ce niveau de taxation est en cours de négociation actuellement, et cette démarche devra avoir un impact sur le prix du billet.

  • Peut-on envisager un avenir meilleur pour Tsaradia malgré ce contexte ?

Il faut quand même souligner que tous ces points, ajoutés à l’héritage de contrats de flotte à long terme défavorable à Tsaradia, l’insuffisance de pilotes commandants de bord, des vols limités dus aux autres aéroports non balisés ou non opérationnels de nuit, les problèmes d’Air Madagascar dont sa filiale est tributaire n’ont pas empêché Tsaradia d’enregistrer un chiffre d’affaire en progression. Celui-ci était de 38,5 millions de dollars pour l’exercice 2018-2019 et de 39,08 millions de dollars pour l’exercice 2019-2020. Tsaradia était sur une phase d’ascension après deux années pleines de promesses pour son développement, avec des opportunités qui se présentaient. Mais elle a malheureusement été frappée de plein fouet par la crise pandémique. Il faut aussi noter que depuis sa création au mois de juillet 2018, notre compagnie a transporté plus de 700000 passagers, plus de 2800 tonnes de frets, pour 16100 vols effectués. En tout cas, nous allons travailler en étroite collaboration avec Air Madagascar, en accord et en cohérence avec la réalisation du Business plan pour la synergie des deux compagnies dans la connectivité et les programmes.

 

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page